Ultra précarité dans notre région : un rapport alarmant du collectif Alerte PACA
Le 13 octobre, au palais du Pharo, à quatre jours de la Journée mondiale du refus de la misère, le Collectif Alerte Paca a rendu public son rapport, « Chroniques de l’ultra-précarité en région PACA », en présence de représentants de l’État et des collectivités territoriales, des représentants nationaux des associations membres du Collectif et des acteurs locaux de la solidarité.
En octobre 2020, le Collectif publiait un premier rapport constatant l’augmentation de la pauvreté dans notre région, du fait des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Ce nouveau rapport, présenté par les membres du Collectif Alerte Paca (Action contre la Faim, Fondation Abbé Pierre, Emmaüs Connect, Médecins du Monde, Les Petits Frères des Pauvres, Secours Catholique et Uriopss), et le réseau associatif qui le soutient (dont ATD Quart-Monde, l’Armée du Salut, Apprentis d’Auteuil, RESF, Solidarité Noailles et la Cimade), ne peut que constater l’aggravation de l’ultra-précarité.
À partir de huit entretiens réalisés avec des personnes résidant en PACA (patrons, étudiants, retraités, familles), connues des associations et représentatives de la population française, le rapport pointe la dégradation de leur situation, due non seulement à la pandémie, mais aussi au cumul de problématiques déjà existantes : destructions d’emplois, insuffisance des ressources, insécurité alimentaire, mal-logement et manque d’hébergement, non-recours aux droits, complexité et dématérialisation des démarches, fracture numérique, difficile accès à la santé et aux soins... Une fragilisation touchant particulièrement les jeunes en PACA, troisième région étudiante de France, dont beaucoup ont dû faire appel à l’aide d’urgence.
Fort de ces constats, le Collectif Alerte Paca appelle à la coordination entre acteurs institutionnels et associatifs pour mieux répondre aux besoins. Il soumet aux pouvoirs publics des préconisations : améliorer la réponse aux risques de pauvreté liée à l’insuffisance de droits et de ressources, demandant, notamment, une analyse objective de l’impact économique du non-recours (en 2019, un tiers des personnes accueillies par le Secours Catholique et éligibles au RSA n’en bénéficiaient pas) ; la mise en place d’une politique de logement digne et suffisante ; un accès digne à une alimentation saine, durable et de qualité pour tous, ainsi qu’à une meilleure prise en compte de la santé physique et mentale des personnes en précarité ; assurer une véritable inclusion numérique, et favoriser une société qui inclut la jeunesse.
Pour mieux comprendre les pauvretés au niveau local et élaborer des propositions concrètes, la première préconisation du Collectif est la création d'un Observatoire des grandes pauvretés sur la région, et « notamment sur les besoins criants de la ville de Marseille », qui concentre 80% de la pauvreté des Bouches-du-Rhône. Cet Observatoire doit permettre plus de réactivité dans les réponses à donner aux problèmes qui se posent actuellement.
Ce rapport a été présenté le 13 octobre lors d’une matinée d’échanges auquel le Collectif avait invité acteurs publics et associatifs. De nombreuses associations marseillaises qui agissent sur le terrain de la solidarité ont répondu à l’invitation.
Comme l’a rappelé Géraldine Meyer, directrice de l’Uriopss, coordinatrice du Collectif Alerte Paca, ce rapport a pour but d’alerter, de donner un écho à la situation locale et de réunir largement les parties prenantes. Le premier rapport avait fait le constat de la bascule de nouvelles populations dans la pauvreté avec le premier confinement. Ce second rapport ne peut que constater la chronicisation de la situation.
Les accueillant au nom de la mairie de Marseille, Audrey Garino, adjointe au maire en charge de la lutte contre la pauvreté, a noté que la crise sanitaire avait agi comme révélateur et accélérateur : des milliers de familles ont vu leur vie basculer dans une plus grande pauvreté. Mais « la misère n’est pas une fatalité, à condition d’agir avec détermination et de faire front commun. C’est une responsabilité collective. La ville s’est engagée pour répondre à de nouveaux enjeux et de nouveaux publics et pour mettre des moyens à la hauteur de l’urgence ». Et l’élue a détaillé l’action de la municipalité en matière d’aide alimentaire, de logement, de capacité de mise à l’abri, d’accueil des populations migrantes, ainsi que le travail du Samu social. La première Nuit de la Solidarité sera organisée à Marseille le 20 janvier 2022, indique-t-elle, et c’est ensemble qu’on pourra faire reculer la fatalité : « L’union sera notre force. »
Avant l’intervention des associations, Laurent Ciarabelli, animateur des réseaux de solidarité au Secours Catholique, a expliqué la méthodologie utilisée pour ce rapport : des entretiens longs avec des personnes qui ont vu leurs conditions de vie se dégrader et qui ont plongé dans la pauvreté.
C’est Pascale, 54 ans, de Vence, qui a perdu son travail et ne dort plus la nuit. Elle n’a même plus trois euros pour payer le bus pour se rendre à Nice, chaque mois, au rendez-vous de « contrôle » de sa situation de bénéficiaire du RSA.
C’est Robert, 66 ans, Marseillais, retraité et malade, qui, avec la crise sanitaire, a perdu le complément de revenus lui permettant de vivre à l’abri du besoin. Il a accumulé les impayés de loyer. Il a tenu grâce au soutien de ses voisins et à l’aide alimentaire. Il espère bénéficier prochainement d’un logement social.
Inès, divorcée d’un mari violent, vit seule à Marseille avec son fils de 6 ans. En situation irrégulière, elle est sans droit au travail et contrainte de faire des ménages de façon non-déclarée. Une fracture du bras et l’absence d’AME (Aide médicale d’État) ont aggravé sa situation. Elle se retrouve désormais avec une dette envers un particulier toujours en cours.
Bertrand, ancien propriétaire de deux bars-tabacs PMU cannois, a déposé le bilan. Il est couvert de dettes. Hébergé, en situation très précaire, il n’a pas retrouvé de travail. Il survit grâce à l’aide alimentaire et à la solidarité de ses proches.
Adana, 13 ans, est collégienne. Sa famille est venue d’Albanie en 2017 pour suivre des traitements médicaux indisponibles dans leur pays. Déboutée du droit d’asile, la famille arrivait à vivre grâce au travail du père. Jusqu’au contrôle du chantier et aux menaces d’expulsion à son encontre. La famille vit dans un logement insalubre. Elle est aidée dans ses démarches administratives et judiciaires par le Secours Catholique.
Elene, Géorgienne, et Dina, Libanaise, sont étudiantes, inscrites en licence et en master. Elles ont travaillé pour payer leurs études. Mais, avec la pandémie, elles se sont trouvées sans ressources. Pour elles, le premier problème, c’est le logement. L’une cohabite avec d’autres personnes dans un logement précaire, l’autre a été accueillie dans un foyer pour femmes après avoir été mise à la porte de son logement chez un particulier. Toutes deux ont demandé un logement au CROUS, sans succès.
Gabriel vit dans un squat du 3e arrondissement de Marseille qui abrite des familles venant de Roumanie et de Bulgarie. Il est collégien. Son rêve serait de vivre dans un appartement, comme ses camarades. Avec la pandémie, ses parents ont perdu le travail qui leur assurait de faibles revenus et vivent de l’activité de ferraillage à laquelle participe Gabriel après la classe. Grâce à un professeur, Gabriel a pu continuer à suivre les cours pendant le confinement, alors qu’il n’avait pas d’ordinateur mais seulement un téléphone portable avec cartes de recharge. C’est aussi grâce à cet enseignant que Gabriel, passionné de mécanique, a pu faire son stage de 3e dans un garage.
Laurent Ciarabelli a présenté deux témoignages filmés. Max, à la rue, accompagné depuis longtemps par le Secours Catholique, où il est aujourd’hui bénévole, et par les Petits Frères des Pauvres, explique comment la nuit se passe à Marseille et la place des femmes dans la rue. « Les gens de la rue sont oubliés. Je n’en ai jamais vu autant dans la rue. La misère impacte l’esprit humain. »
Nadine, elle, raconte le confinement. Avec ses cinq enfants, elle a survécu grâce aux associations. Pour elle, « le confinement a été une condamnation à mort pour les premiers de corvée ». Elle témoigne de la façon dont les plus précaires se sont fait exploiter, de la difficulté de trouver du travail. Elle ne croit pas que la vie ait repris après le déconfinement : « Tout a été changé... »
Des représentants locaux des associations nationales membres du Collectif étaient aussi invités à témoigner de la situation locale. Action contre la faim (ACF) est une ONG dont on pense, en général, que le rayon d’action se situe dans les pays en développement. Mais Axelle Cuny a rappelé que 7 à 8 millions de personnes, soit près de 10% de la population française, font appel à l’aide alimentaire. En région PACA, si l’on sait que les besoins augmentent, il est difficile d’évaluer leur nombre. Selon deux enquêtes, 8% des habitants souffriraient de faim sévère et 30% de faim modérée. Dans notre région, quel est leur profil ? Quel niveau de faim ? Ce serait, notamment, l’objectif de l’Observatoire des pauvretés que l’association appelle de ses vœux, avec un travail en commun des acteurs de la solidarité.
Poursuivant sur le thème des inégalités territoriales, Guillaume Debrie a constaté que 98% des personnes auprès desquelles intervient Médecins du Monde vivent (ou survivent) en dessous du seuil de pauvreté. La moitié n’a aucune ressource. « Ce sont les premières vigies de la situation. » Selon une enquête, la mortalité est deux fois plus importante que la moyenne nationale pour les personnes en situation précaire. Facteurs aggravants : comorbidité, pas de protection maladie, habitat dégradé. Face à cette situation, Médecins du Monde a renforcé ses unités mobiles. « Il faut travailler sur les bases de ces expériences et prendre en compte les particularités des publics précaires. L’élément central est la médiation santé dans tous les dispositifs d’accès aux soins. » Et Guillaume Debrie souligne, notamment, les difficultés de l’accueil physique et le besoin d’interprétariat, saluant par ailleurs la création, à Marseille, d’un Conseil communal de santé. Annoncé en octobre 2020, il a été effectivement mis en place le 29 octobre dernier. Composé de chercheurs, de professionnels de santé, d’acteurs médico-sociaux et associatifs, ce conseil doit permettre, grâce à une meilleure concertation, d’orienter la politique sanitaire de la ville en prenant en compte la réalité du terrain marseillais pour permettre une plus grande égalité devant les soins.
La question du logement était au centre de l’intervention de Florent Houdmon, de la Fondation Abbé Pierre. Il a d’abord rappelé que la région PACA est particulièrement marquée par la pauvreté – 17,5% de la population, soit trois points de plus que la moyenne nationale.
« Du fait du coût du logement (le plus élevé après l’Île-de-France), les plus précaires s’entassent dans des petites surfaces (ce qui a rendu les confinements d’autant plus difficiles à vivre, la prévalence du COVID étant deux fois plus élevée). Toute la vie éclate, l’équilibre familial est rompu, tout dysfonctionne. 100 000 Marseillais sont soumis à un habitat très dégradé, indigne, avec l’assignation à rester chez soi. Quant au nombre des sans-abri, personne ne le connaît. Ils sont totalement invisibles. Il y a un vrai problème de connaissance du mal logement. »
L’État a fait des efforts : avant la crise, 300 nuitées hôtelières étaient ouvertes chaque soir. Plus de 2000 pendant la crise. Aujourd’hui, le chiffre est variable. « Mais tous les jours, des gens restaient malgré tout dans la rue. La ville a pris des initiatives innovantes, mais nous avons fait le constat cruel qu’il est difficile de faire face à cette situation. » D’autre part, il est difficile pour les associations d’avoir accès aux squats. « Nous espérons que la Nuit de la Solidarité du 20 janvier prochain permettra d’effectuer un comptage, car la méconnaissance empêche de mettre en place des politiques publiques à la hauteur de cet enjeu. » Il a encore évoqué la question inconditionnelle des droits : « Il y a eu de nombreuses expulsions. Des ménages privés de ressources ont basculé dans la violence sociale. » Il espère que la municipalité offrira des logements sociaux et qu’il y aura une solidarité métropolitaine. Il est urgent de mettre en place un grand plan de lutte contre l’habitat indigne, et ensuite, de trouver les moyens d’accompagner tous les publics, y compris les sans-papiers et les demandeurs d’asile.
Au nom des Petits Frères des Pauvres Méditerranée, Manuel Pinto a alerté sur l’isolement des plus de soixante ans. Leur nombre a doublé depuis 2017. 300 000 personnes sont en situation de ce qu’il qualifie de « mort sociale ». La solitude impacte profondément la santé mentale, et la pauvreté est un facteur aggravant de l’isolement. De plus, la fracture numérique touche les plus pauvres et les plus âgés, comme le non-recours aux droits et aux soins.
Il a insisté, lui aussi, sur le besoin d’un Observatoire pour identifier ces facteurs aggravants et pour alerter l’opinion publique.
Dans un second temps, ce sont les représentants nationaux des ONG et associations du Collectif qui ont pris la parole. Et d’abord, Christophe Devys, président du Collectif national ALERTE, qui a témoigné de l’inquiétude des associations face à la crise sociale et de leur déception. Il dénonce des blocages de nature idéologique : les associations demandent l’augmentation du RSA, le gouvernement a fait le choix des aides ponctuelles, très en deçà des besoins. De même pour le revenu d’engagement des jeunes. Les associations vont vers les personnes, alors que l’État a une logique de guichets...
Véronique Devise, présidente nationale du Secours Catholique - Caritas France, soulignant la qualité du rapport, a noté l’urgence de la création d’un Observatoire en PACA pour mieux connaître les problématiques de la pauvreté. Elle a brossé le portrait des personnes rencontrées par les bénévoles du Secours Catholique : « De nombreuses personnes accueillies sont sans emploi ou travailleurs précaires. Une sur cinq n’a aucune ressource, durablement écartée d’un emploi stable, ou avec un revenu insuffisant pour s’installer. Un tiers des personnes accueillies et éligibles au RSA ne le touche pas et un quart ne touche pas la CAF. Désormais, le tout numérique prévaut, accentuant la fracture scolaire. Il faut agir sur les causes de la pauvreté, les revenus, le non-accès aux droits et les pouvoirs publics doivent s’engager à lutter contre le non-recours. » Elle demande qu’on fasse confiance aux personnes, qu’on reconnaisse le droit à l’erreur et qu’on en finisse avec les politiques de sanctions administratives. L’accès aux droits doit être simplifié, avec un interlocuteur unique et un temps d’accompagnement vers l’emploi et la formation, et le revenu doit être élargi aux personnes de 18-25 ans.
Pour Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde, « le COVID a mis en évidence une situation qui préexistait. La crise est chronique, le COVID l’a exacerbée. Un enfant sur trois est pauvre en PACA. Une personne sur deux renonce aux soins. Pourtant, la santé est un bien commun. La santé de tous va dépendre de la mobilisation sur les territoires. Une mobilisation qui doit se faire aussi pour lutter contre la fracture numérique en matière de santé, de logement, de démarches administratives, d’obtention de papiers ».
Constatant la paupérisation en France, et à Marseille en particulier, Lucile Grosjean, directrice déléguée pour le plaidoyer d’Action contre la faim, estime qu’ « un sursaut est nécessaire. Il est légitime d’intervenir ici. Mais il n’y a pas de solution magique. On est entré dans un cercle vicieux de stratégies de survie. La première étape consiste à détricoter toutes les causalités en remettant les individus au centre. Il faut repenser un système qui n’est plus adapté, tant sur le plan alimentaire que du logement et de la santé. Le constat est le même qu’à l’échelle planétaire. L’aide alimentaire est fondée sur les surplus, et non sur les besoins. Or, les systèmes sont moins coûteux et plus vertueux à l’échelle locale, moins énergivores et plus adaptés aux besoins. L’alimentation est culturelle. Il faut revoir, à Marseille et en France, les dispositifs d’aide alimentaire ».
Pour la Fondation Abbé Pierre, « le logement est la clé d’entrée à tout parcours pour lutter contre le sans-abrisme. Il y a des ratés : choix fiscaux, suppression de l’ISF, de la taxe d’habitation, des APL. Il s’agit de relancer une partie des logements sociaux, mais aussi d’en faire la rénovation thermique. Les ménages les plus pauvres vivent dans des passoires thermiques ». Florent Houdmon appelle à la mise en place d’ « un grand Plan Marshall contre l’habitat indigne. En dix ans, rappelle-t-il, 150 à 300 000 personnes ont été privées de logement ». Il se félicite de la dynamique locale, et souhaite que le département y prenne sa part...
Du côté des représentants de l’État, Jean-Philippe Berlemont, directeur de la DREETS, estime, lui aussi, que « la crise a été un révélateur. La société a réussi à tenir grâce à une coordination pour la cohésion sociale ». Et Joëlle Chenet, commissaire à la prévention contre la pauvreté auprès du préfet de PACA, remarque que « la crise a généré une alliance des acteurs » et plaide pour « une contractualisation de l’évaluation des politiques publiques, en matière d’emploi et de logement ».
Présent à cette matinée d’échanges, Benoît Payan, maire de Marseille, a rappelé que « la ville concentre pauvreté et précarité : un quart de la population est en dessous du seuil de pauvreté, 55% dans les quartiers de la Belle-de-Mai, Saint-Mauront et La Cabucelle. Pour beaucoup d’enfants, le seul repas complet est celui pris à l’école. Depuis deux ans, les distributions alimentaires se sont multipliées auprès d’un public hétérogène. 350 000 Marseillais ont des difficultés pour payer leur logement, se soigner ». Il faut « initier un mouvement sans précédent contre la violence qu’est la pauvreté, trop longtemps invisibilisée ». Soulignant l’action de la mairie en matière d’hébergement ou d’aide alimentaire aux étudiants, Benoît Payan a insisté sur « le besoin d’engagement de toutes les associations et des acteurs de la solidarité. Car il s’agit d’un travail titanesque, qui va bien au-delà des compétences d’une ville. Ensemble, on arrivera à changer le cours des choses ». Et le maire a annoncé, pour sa part, la création de 1000 places de plus en hébergement d’urgence et des États généraux pour la résorption des squats et des bidonvilles.
Après un temps d’échanges avec les associations et les collectifs présents – qui témoignaient du travail effectué sur le terrain, avant et pendant la pandémie, et de leur expertise en la matière – Christophe Devys a clôturé la matinée en souhaitant que « les pouvoirs publics nous entendent et nous écoutent... On s’est habitués collectivement à un certain niveau de pauvreté de 1945 à 2005, avec une baisse continue du taux de pauvreté. Mais la baisse s’est arrêtée en 2005, et le taux de pauvreté est toujours au même niveau depuis : 14,9% de la population. Fondamentalement, on ne devrait pas l’accepter. Nous voudrions que les candidats s’engagent à reprendre le chemin pour faire baisser le taux de pauvreté. Nous avons du mal à être entendus. L’objectif commun à toutes nos associations est d’arriver à ce que la pauvreté soit le sujet considéré comme évident. Notre société ne peut plus vivre avec ça ».
Le dernier mot revenait à Axelle Brodiez-Dolino, historienne de la pauvreté, co-directrice du laboratoire de recherche Norbert Elias, et animatrice des débats : « Il y a urgence à créer cet observatoire, car nous avons intérêt à collaborer, à faire en commun. Il y a à Marseille une concentration de la pauvreté et les infrastructures sont dramatiquement insuffisantes. » Et pourtant, a-t-elle remarqué, « Marseille est une ville de ressources. François Massabo y a créé le premier asile de nuit, repris par les Frères de Saint-Jean-de-Dieu. Des initiatives privées ont pris le relais. ATD – Quart Monde a créé le premier observatoire régional en région Rhône-Alpes. Il y a un vrai modèle à inventer à Marseille pour avoir un éclairage local. On ne coopère pas assez. Il faut faire travailler ensemble associations, institutions, chercheurs, organismes. Que peut faire cet observatoire ? Il faut l’axer sur le qualitatif. En France, il y a un vrai manque de connaissance du terroir pour faire du sur mesure. La crise n’est pas derrière nous. Les conséquences des crises se font encore sentir des années après (comme celle de 2008). Les séquelles physiologiques, psychologiques, familiales, sur les enfants, l’éducation, provoquent une déstabilisation. On a besoin de s’y mettre tous ensemble pour en évaluer tous les aspects. La pauvreté coûte plus cher quand on ne la traite pas... »
Cet espoir d’une collaboration constructive entre associations et pouvoirs publics pourrait déjà se concrétiser le 22 janvier prochain, pour la première Nuit de la Solidarité à Marseille.